Discussion entre Raymond et
Dédé
Un après midi d'été, le
magnétophone a surpris une discussion entre Dédé et Raymond, deux stars
locales. Un savoureux moment
plein de souvenirs et d'évocations nostalgiques.

Raymond (assis) et Dédé (debout)
Dédé
On était en train de jouer au loto, on voyait les oies, l'année où on
avait pris les grosses oies blanches, elles se baladaient au milieu,
avec les pintages qui s'envolaient...
Raymond
C'était la panique...
Dédé
Mais avant, c'était que des lots comme ça, des pintades, des lapins,
des poules... Le premier loto qu'on a fait, c'était il y a 26 ans, ça
fait 71, non ?
Raymond
C'est redémarré en 1969. On a fait de suite des lotos parce que c'est
la première ressource de recettes. Il se faisait des lotos dans le
temps, les bars faisient des lotos pour eux.
Dédé
Oui, c'est un peu la tradition provençale, enfin pas que provençale,
dans le Gard ils jouent toute l'année maintetant. A Nîmes, toute
l'année il y a des lotos. Le monde qu'il y a !
Raymond
A l'époque, on avait ce qu'on appelait le camionneur. Chaque fois qu'il
y avait un gagnant, on n'attendait pas la fin pour remettre tous les
lots puisque les gens qui venaient faisaient une partie ou deux puis ils
s'en allaient. Tandis que maintenant on bloque les cartons pour la
soirée. Le gars il vient et il joue pour la soirée.
Dédé
Avant le gars entrait, il payait, il en faisait trois ou quatre puis il
s'en allait.
Raymond
On est arrivé à faire ce système, à faire que les gens viennent pour
la soirée, il n'y a pas de raison de courir à chaque gagnant pour
aller porter le lot, surtout qu'on jouait dans trois salles, ici ça
allait encore parce que c'était stocké là.
Dédé
On ne faisait pas la salle des fêtes, on faisait juste les deux bars.
Le bar PMU et ici. Nèble portait les lots. A chaque quine... maintenant
on stocke et à la fin les gens viennent chercher les lots mais avant à
chaque fois qu'il y avait une quine, quand c'était au bar, il prenait
ses poules, ses pintades, il partait au bar. alors le type qui gagnait,
il lui donnait la pièce "allez bois un coup", il buvait un
coup et il revenait. Le temps qu'il revient, il y avait un autre gagnant
et il repartait là-bas au bar.
Raymond
Il était en route pour revenir, quand il arrivait, on lui disait
"il faut que tu repartes là-bas". C'est te dire le temps
qu'il mettait là-bas. Il partait pour mener le lot mais, boire le canon
et tout le bins, la partie repartait et puis tant, quand il était en
route en train de revenir, zou il se gagne encore un lot et il devait
retourner au bar. Pierrot il arrivait "vite, vite, repars
là-bas". C'était le camionneur, c'était le président mais
c'était son rôle, ça.
Dédé
Il revenait, on finissait les lotos, il était cuit.
Raymond
C'était nous-même qu'on sonorisait, Michel Beletti et moi, on tirait
les cables, alors je me débrouillais de récupérer du cable à mon
boulot, lui c'était pareil. Parce qu'il faut encore un type de cable
spécial, parce que sur des longues portées comme ça, les cables
récupèrent des ondes parasites. Une fois on avait Radio Monte Carlo,
comme ça en grand, c'était génant.
Dédé
On n'a jamais eu un pépin, ça a toujours marché.
Raymond
Michel Beletti avait du matos, on se bricolait tout ça, on faisait
notre aller/retour par interphone, par des trucs comme ça et on
arrivait à fonctionner. Il est vrai que moi j'avais l'oreille à
l'interphone, parce qu'on n'avait pas toujours... ce n'était pas aussi
moderne que maintenant.
Dédé
C'était l'époque héroïque
Raymond
J'avais amené des petits machins qui sonnaient aussi "bip ! Vise,
il y a un truc là-bas" "Qu'est-ce que c'est? Oui" alors
dire les numéros, les rerépéter.
Dédé
Cette époque où tu avais un porte-voix ?
Raymond
C'était la première fois, parce que la première fois qu'on a fait un
loto, on n'avait pas de sono, on n'avait que le porte voix, on se
mettait le dos à la porte d'entrée, là...
Dédé
On l'avait fait par téléphone...
Raymond
L'an passé, on est tombé en panne, il a fallu travailler par
téléphone, avec le ballon je parle, c'était le foot, ça. Alors en
matière de foot, toutes les années on en fait un en duplex avec
Moulès, c'est par téléphone. C'est très compliqué.
Dédé
On bloque la ligne (Télécom).
Raymond
Si tu calcules bien, pour une soirée comme ça, au niveau local, ça
doit coûter à peu près 40 balles, 40 à 50 francs. Tandis qu'avant,
quand on appelait "bloquer les lignes des PTT", c'est à
l'époque où ils fichaient encore les appels. Alors là tu disais
"voilà, maintenant tu me fiches ce truc et pour tant de temps, tu
ne me le défais plus." On a eu vu des lotos où ils étaient
commutés avec Mas Thibert par exemple. Ils bloquaient le téléphone et
puis là-bas ils le rediffusaient. Mais là où il y a le danger, c'est
que si tu as un pépin, tu ne peux pas te rattraper, les gens là-bas
ils ont payé. Comme nous à Moulès c'est toujours pareil, on fait par
le téléphone pour le ballon, il y a les 2 salles pleines, celle de la
mairie et celle de chez Toni. Moi je nomme ici, le gars qui est en face
de moi avec le téléphone, il transmet par téléphone là-bas, lequel
là-bas répète dans un micro qui, dans sa salle, ça descend chez Toni
et quand il y a une quine chez Toni, ça remonte tac tac jusqu'à moi,
c'est là qu'il faut faire attention. Bon au début , tu nommes un peu
vite, ça va mais après il faut ralentir sur la fin pour que le retour
se fasse. Tu fais un loupé tu es marron. Le gars dira "moi quand
le numéro est sorti, j'ai crié."
Dédé
Maintenant ça n'a plus le charme d'avant. Avant, dans les escaliers on
mettait les lots, là. Alors le premier on le mettait à la dernière
marche en haut, et à mesure, le deuxième, le troisième, jusqu'en bas.
Le dernier lot, la grosse quine, c'était le dernier escalier. Chaque
fois il fallait monter chercher les lots, les descendre, les donner au
porteur, à mesure que le loto avançait on descendait les escaliers. En
haut il y avait des poules, des canards, des pintades, des machins... on
allait chercher les volailles en galère. L'agneau, c'est eux qui le
tuait. On le tuait chez Nèble l'agneau. On le découpait et on le
mettait au loto. Maintenant c'est interdit.
Raymond
J'ai tué les agneaux, chez Nèble. Toutes les années, le berger qui
venait chez Nèble nous vendait des agneaux pour nos besoins, on en
tuait cinq, six, pendant l'hiver, c'est moi qui allait les tuer, on le
dépeçait, on le partageait en deux, on achetait des rouleaux de papier
alu et puis on l'entortillait. Maintenant il faut que ça passe au
service vétérinaire.
Dédé
C'était l'époque où on rigolait, c'était la fameuse époque des
pintades qui s'envolaient, des canards qui geulaient parce que c'était
pas des muets. Il y avait des canards, c'était pas des muets, alors
t'entendait ça dans le bar, ça faisait une brave cacophonie.
Raymond
Le plus mauvais c'était les pigeons parce que s'ils prenaient la
tangente, tu allais de faire voir. Le pigeon on ne lui attachait pas les
ailes.
Dédé
Le loto arrêté à cause d'une pintade qui partait dans le bar, il
fallait arrêter le loto, tout le monde cavalait après la pintade.
C'était le bon temps, ça avait sont charme. Maintenant c'est plus
pareil, maintenant tu mets des télévisions, il n'y a plus rien qui
bouge, des télévisions des magnétoscopes, des cafetières, des
jambons, il n'y a rien qui bouge. Et les gens maintenant, ils viennent
pour gagner. Avant les gens venaient pour se retrouver. |