Les lotos

En Provence, les lotos sont une institution. Et à Raphèle, c'est pas de la galéjade peuchère ! Quand Raymond boulègue, tout le monde se concentre sur son carton jusqu'à ce que... quiiiineuUU !!! Le carton est bien bon vous pouvez démarquer.


  
Raymond, inimitable dans l'art de la ballotte. Des boulégueurs comme lui, y'en a pas deux dans toutes les Bouches-du-Rhône !

 

Quelques répliques de la part des joueurs :

  • Oh où que t'as appris à bouléguer ?
  • Encore ? Putain il a pris un abonnement celui-là !
  • Envoie le bon !
  • Oh y veut pas sortir !
  • Et ta mère !
  • Oh t'es sûr que t'as mis toutes les ballottes ?
  • Boulègueuuu boulègueuuu !

Voici comment sont annoncés les numéros par le célèbre Raymond, tout un art.

  1 : Le premier de mille, le plus petit
 
2 : Comme papa
 
3 : Comme la ville
 
4 : La petite chaise
 
5 : Trois zé deux
 
6 : La queue en l'air
 
7 : Sè-teu ! Comme la ville
 
8 : Deux fois quatre
 
9 : Comme untel, la queue en bas
10 : Deux fois cinq
11 : Les jambes à Dédé (incontournable ! Un soir le public dit "maintenant on veux les voir" Dédé monta sur une table, releva les bas de pantalon et les montra.)
12 : Dou-zeu !
13 : Le porte-bonheur. Allez l'OM
14 : L'homme fort (référence à la guerre 14. Locati, Pinasse, qu'importe le nom, histoire de chambrer quelqu'un)
15 : Quin-zeu !
16 : Sei-zeu !
17 : Disseu-sèteu !
18 : Dizeu-huiteu !
19 : Dizeu-neufeu !
20 : Sans eau !
21 : /
22 : Ils sont là ! (sans plus)
23 à 29 : /
30 : Nîmes Olympique !
31, 32 : /
33 : Au docteur !
34 à 37 : /
38 : La bonne année (année de naissance de Raymond, le nommeur. C'est très local, seuls les initiés saisissent)
39 : /
40 : Cest dans la marine qu'il y a le plus de... combines ! (référence à la célèbre partie de cartes de Pagnol)
41 : /
42 : Allez les verts!... peuchère
43 à 50 : /
51 : Sans publicité !
52 à 67 : /
68 : Préparez-vous...
69 : Vous l'attendiez. Ca va, on y est !
70 à 74 : /
75 : Ils arrivent
76 à 79 : /
80 : Dans le coin !
81, 82 : /
83 : Cogolin ! Le pays où les corbeaux volent sur le dos ! (sous entendu pour ne pas voir la mysère qu'il y a en bas, en référence à la ville natale du maire Carlevan, histoire de la taquiner car le maire jouait au loto avec ses administrés)
84 : Les grenouilles (ils viennent souvent à la mer parce qu'ils ne l'ont pas à côté)
85 à 87 : /
88 : Les deux coucourdes
89 : La mémé
90 : Le grand'père.

"A tout le monde bonsoir et n'oubliez pas que ... il y a le loto de ...

 

Discussion entre Raymond et Dédé

Un après midi d'été, le magnétophone a surpris une discussion entre Dédé et Raymond, deux stars locales. Un savoureux moment plein de souvenirs et d'évocations nostalgiques.


Raymond (assis) et Dédé (debout)

 

Dédé
On était en train de jouer au loto, on voyait les oies, l'année où on avait pris les grosses oies blanches, elles se baladaient au milieu, avec les pintages qui s'envolaient...

Raymond
C'était la panique...

Dédé
Mais avant, c'était que des lots comme ça, des pintades, des lapins, des poules... Le premier loto qu'on a fait, c'était il y a 26 ans, ça fait 71, non ?

Raymond
C'est redémarré en 1969. On a fait de suite des lotos parce que c'est la première ressource de recettes. Il se faisait des lotos dans le temps, les bars faisient des lotos pour eux.

Dédé
Oui, c'est un peu la tradition provençale, enfin pas que provençale, dans le Gard ils jouent toute l'année maintetant. A Nîmes, toute l'année il y a des lotos. Le monde qu'il y a !

Raymond
A l'époque, on avait ce qu'on appelait le camionneur. Chaque fois qu'il y avait un gagnant, on n'attendait pas la fin pour remettre tous les lots puisque les gens qui venaient faisaient une partie ou deux puis ils s'en allaient. Tandis que maintenant on bloque les cartons pour la soirée. Le gars il vient et il joue pour la soirée.

Dédé
Avant le gars entrait, il payait, il en faisait trois ou quatre puis il s'en allait.

Raymond
On est arrivé à faire ce système, à faire que les gens viennent pour la soirée, il n'y a pas de raison de courir à chaque gagnant pour aller porter le lot, surtout qu'on jouait dans trois salles, ici ça allait encore parce que c'était stocké là.

Dédé
On ne faisait pas la salle des fêtes, on faisait juste les deux bars. Le bar PMU et ici. Nèble portait les lots. A chaque quine... maintenant on stocke et à la fin les gens viennent chercher les lots mais avant à chaque fois qu'il y avait une quine, quand c'était au bar, il prenait ses poules, ses pintades, il partait au bar. alors le type qui gagnait, il lui donnait la pièce "allez bois un coup", il buvait un coup et il revenait. Le temps qu'il revient, il y avait un autre gagnant et il repartait là-bas au bar.

Raymond
Il était en route pour revenir, quand il arrivait, on lui disait "il faut que tu repartes là-bas". C'est te dire le temps qu'il mettait là-bas. Il partait pour mener le lot mais, boire le canon et tout le bins, la partie repartait et puis tant, quand il était en route en train de revenir, zou il se gagne encore un lot et il devait retourner au bar. Pierrot il arrivait "vite, vite, repars là-bas". C'était le camionneur, c'était le président mais c'était son rôle, ça.

Dédé
Il revenait, on finissait les lotos, il était cuit.

Raymond
C'était nous-même qu'on sonorisait, Michel Beletti et moi, on tirait les cables, alors je me débrouillais de récupérer du cable à mon boulot, lui c'était pareil. Parce qu'il faut encore un type de cable spécial, parce que sur des longues portées comme ça, les cables récupèrent des ondes parasites. Une fois on avait Radio Monte Carlo, comme ça en grand, c'était génant.

Dédé
On n'a jamais eu un pépin, ça a toujours marché.

Raymond
Michel Beletti avait du matos, on se bricolait tout ça, on faisait notre aller/retour par interphone, par des trucs comme ça et on arrivait à fonctionner. Il est vrai que moi j'avais l'oreille à l'interphone, parce qu'on n'avait pas toujours... ce n'était pas aussi moderne que maintenant.

Dédé
C'était l'époque héroïque

Raymond
J'avais amené des petits machins qui sonnaient aussi "bip ! Vise, il y a un truc là-bas" "Qu'est-ce que c'est? Oui" alors dire les numéros, les rerépéter.

Dédé
Cette époque où tu avais un porte-voix ?

Raymond
C'était la première fois, parce que la première fois qu'on a fait un loto, on n'avait pas de sono, on n'avait que le porte voix, on se mettait le dos à la porte d'entrée, là...

Dédé
On l'avait fait par téléphone...

Raymond
L'an passé, on est tombé en panne, il a fallu travailler par téléphone, avec le ballon je parle, c'était le foot, ça. Alors en matière de foot, toutes les années on en fait un en duplex avec Moulès, c'est par téléphone. C'est très compliqué.

Dédé
On bloque la ligne (Télécom).

Raymond
Si tu calcules bien, pour une soirée comme ça, au niveau local, ça doit coûter à peu près 40 balles, 40 à 50 francs. Tandis qu'avant, quand on appelait "bloquer les lignes des PTT", c'est à l'époque où ils fichaient encore les appels. Alors là tu disais "voilà, maintenant tu me fiches ce truc et pour tant de temps, tu ne me le défais plus." On a eu vu des lotos où ils étaient commutés avec Mas Thibert par exemple. Ils bloquaient le téléphone et puis là-bas ils le rediffusaient. Mais là où il y a le danger, c'est que si tu as un pépin, tu ne peux pas te rattraper, les gens là-bas ils ont payé. Comme nous à Moulès c'est toujours pareil, on fait par le téléphone pour le ballon, il y a les 2 salles pleines, celle de la mairie et celle de chez Toni. Moi je nomme ici, le gars qui est en face de moi avec le téléphone, il transmet par téléphone là-bas, lequel là-bas répète dans un micro qui, dans sa salle, ça descend chez Toni et quand il y a une quine chez Toni, ça remonte tac tac jusqu'à moi, c'est là qu'il faut faire attention. Bon au début , tu nommes un peu vite, ça va mais après il faut ralentir sur la fin pour que le retour se fasse. Tu fais un loupé tu es marron. Le gars dira "moi quand le numéro est sorti, j'ai crié."

Dédé
Maintenant ça n'a plus le charme d'avant. Avant, dans les escaliers on mettait les lots, là. Alors le premier on le mettait à la dernière marche en haut, et à mesure, le deuxième, le troisième, jusqu'en bas. Le dernier lot, la grosse quine, c'était le dernier escalier. Chaque fois il fallait monter chercher les lots, les descendre, les donner au porteur, à mesure que le loto avançait on descendait les escaliers. En haut il y avait des poules, des canards, des pintades, des machins... on allait chercher les volailles en galère. L'agneau, c'est eux qui le tuait. On le tuait chez Nèble l'agneau. On le découpait et on le mettait au loto. Maintenant c'est interdit.

Raymond
J'ai tué les agneaux, chez Nèble. Toutes les années, le berger qui venait chez Nèble nous vendait des agneaux pour nos besoins, on en tuait cinq, six, pendant l'hiver, c'est moi qui allait les tuer, on le dépeçait, on le partageait en deux, on achetait des rouleaux de papier alu et puis on l'entortillait. Maintenant il faut que ça passe au service vétérinaire.

Dédé
C'était l'époque où on rigolait, c'était la fameuse époque des pintades qui s'envolaient, des canards qui geulaient parce que c'était pas des muets. Il y avait des canards, c'était pas des muets, alors t'entendait ça dans le bar, ça faisait une brave cacophonie.

Raymond
Le plus mauvais c'était les pigeons parce que s'ils prenaient la tangente, tu allais de faire voir. Le pigeon on ne lui attachait pas les ailes.

Dédé
Le loto arrêté à cause d'une pintade qui partait dans le bar, il fallait arrêter le loto, tout le monde cavalait après la pintade. C'était le bon temps, ça avait sont charme. Maintenant c'est plus pareil, maintenant tu mets des télévisions, il n'y a plus rien qui bouge, des télévisions des magnétoscopes, des cafetières, des jambons, il n'y a rien qui bouge. Et les gens maintenant, ils viennent pour gagner. Avant les gens venaient pour se retrouver.