La Crau s'étend dans un périmètre de 50 000 ha qui va des Alpilles à la mer en axe nord/sud et du Rhône à l'étang de Berre en axe ouest/est, St-Martin de Crau étant la commune la plus étendue sur cette steppe sauvage. C'est une vaste plaine fouettée par le mistral et les chaleurs torrides de l'été. Une partie de la Crau est aujourd'hui fertilisée grâce au réseau du canal de Craponne, alors qu'elle était encore il y a un siècle, une terre hostile, déserte, et caillouteuse sur sa quasi-totalité.

Les galets qui recouvrent cette plaine immense ont été apportés par la Durance qui, avant de devenir un affluent du Rhône, se jetait directement dans la Méditerranée. Dans sa course, la rivière a ainsi drainé pendant des siècles les pierres arrachées aux rives rocheuses pour les déposer dans son delta. Lorsque la Durance changea son cours pour se jeter dans le Rhône, les cailloux roulés et polis, sont restés, recouvrant un territoire dénudé sur des dizaines de kilomètres.

La moitié de la surface d'origine est cultivée en prairies maraîchères et en vergers, cultures abritées par des haies de cyprès qui donnent aujourd'hui au paysage son caractère agricole. La Crau est devenue une des plus importantes régions fourragères françaises. 

C'est en partant de Raphèle en direction de Fos que l'on peut encore apprécier l'autre moitié de la Crau restée sauvage, de part et d'autre de la Nationale 568. On n'y rencontre ni hameau, ni culture mais, de loin en loin, ici et là, quelques bergeries destinées à accueillir les moutons transhumants de passage. Pour la petite histoire, des tas de cailloux se dressent par endroits, ils témoignent de l'occupation allemande en Provence. Afin d'empêcher l'aterrissage des avions alliés, l'ennemi avait ainsi confectionné ces entraves.

Le désert de la Crau, hélas, est menacé par l'extension progressives des zones agricoles. On connait les conséquences de l'exploitation du sol sur les nappes phréatiques. Or la Crau abrite dans son sol une gigantesque nappe qui alimente en eau potable toutes les communes alentour. Ce biotope, pour sa faune et sa flore rare, donc exceptionnelle, est unique au monde et mérite paix et respect.


Entre Arles et Fos, le désert de la Crau 

Une rare bergerie parmi la caillasse

Tas de cailloux, vestiges de la guerre 39/45

La Crau, peinte par Van Gogh

La culture du foin de Crau
D'après des propos recueillis en 1988 auprès de Joseph Deye, cultivateur à Raphèle.

   

Le ramassage du foin débute par une opération primaire : le fauchage. C'est seulement à partir de ce moment que l'homme regarde le ciel d'un oeil critique car des caprices du temps dépend la rapidité et surtout la qualité de la récolte. Vient ensuite le fanage. Il s'agit déparpiller sur le sol, le foin afin qu'il ne reste pas en paquet. Le lendemain, le fourrage est disposé en rangées appelées andains. Selon la météo, soit le foin est prêt à être emballé, soit il faut attendre un ou deux jours et une fois encore retouner l'herbe avant de faire les ballots. Ce sont là des gestes ancestraux. Jadis, la plupart des opérations se faisaient à la main et avec des chevaux, aujourd'hui des machines agricoles adaptées ont pris le relais. Pour la récolte, on compte en moyenne 3 jours par beau temps et le double par temps gris.

Inondation des prés

Du premier avril jusqu'à fin septembre, les prés sont inondés à raison d'une fois tous les 10 jours. L'eau, acheminée par le canal de Craponne, provient de la Durance, elle s'écoule par un réseau de canaux d'irrigation, les roubines, régulièrement entretenus. On ignore la longueur totale de ce réseau tant il se perd en ramifications chez les particuliers, on l'évalue à plusieurs centaines de kilomètres, si ce ne sont pas des milliers. Le canal de Craponne irrigue 10 000 hectares à partir des 140 prises, déversant sur les terres 200 millions de m3 chaque année.
Pour inonder un pré, il faut d'abord laisser filer l'eau dans le fossé qui le borde, puis la bloquer à l'aide de martières, plaques métalliques coulissant verticalement. A ce moment l'eau déborde et imbibe le terrain jusqu'à son absoption, l'assèchement.

400 000 tonnes de foin

La Crau produit de 3 à 400 000 tonnes de foin par an. Un hectare donne de 9 à 10 tonnes sur 3 coupes, un ballot pèse 35 kg. La première coupe, la plus riche en protéine, a lieu en mai, la seconde en juillet et la troisième en septembre. Il existe une quatrième coupe, le regain, elle est vendue aux éleveurs de la région. Après les récoltes, le terrain et l'herbage est loué aux bergers, on dit alors qu'on loue les herbes.
La première coupe, c'est toute la force et la richesse de la terre, c'est aussi la plus abondante. De 75 à 80 % de ce foin est acheté par les Italiens (gros producteurs de viande), une petite partie aux Allemands, le restant va sur les hippodromes de Paris (Vincennes, Chantilly...) et de la Côte d'Azur. Ce sont les chevaux et les bovins qui bénéficient de la première coupe, la deuxième et la troisième allant aux ovins (et aux chèvres) de l'Aveyron, de la Lozère et de la région de Roquefort (le Larzac).

Aussi bon que le châteauneuf du pape

Le foin de Crau est cultivé sur une surface d'environ 40 000 hectares sur un axe Arles / Salon, St Martin de Crau étant le centre de gravité en quelque sorte. Cette culture remonte à la fin du 19ème, à l'époque ou commencèrent les nombreuses irrigations sur le sol aride et rocailleux. Peu à peu il est devenu fertile. Aujourd'hui le foin de la Crau s'honore d'un label.  C'est le seul foin en Europe qui peut se vanter de cette distinction, "Boudie pour les bêtes c'est aussi bon que pour vous le châteauneuf du pape !"
Le foin de Crau se différencie des autres foins par la ficelle rouge et blanche qui relie les bottes. Elle est une garantie d'authenticité du produit. Il est certes plus cher qu'un foin d'une autre région mais il est à l'origine d'un rendement laitier supérieur. Pour sa richesse en protéines et en vitamine auprès des spécialistes, le foin de Crau possède la même renommée qu'une appellation viticole, c'est un grand cru.
   


Une infime partie du désert vert de la Crau.


Fanage


Confection des ballots de foin


Récolte du foin de Crau à Raphèle.

    

Quelques habitants
de la Crau


le chevêche d'Arthéna
(photo Luc Dupouy)


le faucon crécerellette
(photo Luc Dupouy)


le faucon kobez
(photo Sylvain Guillebault)


le ganga cata
(photo Lutz Lücker)


la huppe fasciée
(photo Paul-René Meffre)


l'oedicnème criard
(photo Alain Fossé)


l'outarde canepetière
(photo Lutz Lücker)


le pie grièche méridionale
(photo  Pascal Dubois)


le rollier d'Europe
(photo René Dumoulin)


le vautour percnoptère
(photo Luc Dupouy)


le lézard ocellé
(photo Naturellementvotres)


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L
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